Négocier
avec la grande distribution
méthodes
et outils pour le compte clé
Claude
CHINARDET
préface
de Michel Ghazal
les
éditions d'organisation
L'état des lieux fait apparaitre un rapport de force entre le
distributeur et l'industriel, notamment expliqué par le fait
qu'un fabricant peut réaliser jusqu'à 30% de son CA total
avec un seul distributeur ( bien que légalement interdit ), CA
qui pourra représenter moins de 0,1% du CA total de ce même
distributeur!
Le compte clé ( cc ) doit toujours avoir à l'esprit les
quatre C:
Corporate ( objectifs globaux de l'entreprise )
Cobranding ( respect de la politique de chaque marque )
Client ( centrales, adapter sa politique au client )
Consommateur
La réussite du cc tient à:
- la maîtrise du contexte
- l'optimisation du commercial mix ( 4c )
- la négociation gagnant/gagnant
- l'utilisation d'outils
- le travail en équipe en interne et en externe
Nous ne rviendrons pas ici sur les notions de négociation, mais
développerons les autres points pré-cités:
Le contexte: mondialisation et recherche de rentabilité, l'industriel
est suspendu à son cours de bourse. Les lois diverses ont changé
la donne:.
La loi Raffarin, octobre 1996, soumet à autorisation de la CDEC
tout agrandissement ou création de magasin, ce qui implique les
conséquences de protection des magasins en date du 1er 07 1997
et la concentration de la distribution et son internationnalisation.
La chasse aux indépendants est lancée ( un supermarché
vaut aujourd'hui 25% de son CA, soit 2 fois plus qu'avant la loi Raffarin
). Ces derniers représentent en effet une part de marché
extrêmement importante ( 21,3 % pour Lucie ( système U
et Leclerc ), 14% pour Intermarché. L'internationnalisation de
Carrefour l'amène à la deuxième place mondiale
des distributeurs avec 355 milliards de francs derrière Wal-mart
qui pèse tout de même 775 mdf !
La loi Galland de janvier 1997 tente quant à elle de palier
le problème de vente à perte. Doivent figurer sur la facture
les réductions de prix acquises à la date de la vente
et directement liées à celle de l'opération. Les
remises conditionnelles n'ont pas à figurer. Le budget de référencement
de produits doit être en corrélation avec des commandes
réelles. Les coopérations commerciales doivent être
versées en contrepartie de services réels. La distribution
pourra recourir à des fournisseurs étrangers car l'abus
de dépendance économique les y poussera. En effet ne sont
pas rares les PME dont un seul client distributeur peut représenter
30% du CA total, ce qui légalement est maintenant interdit au
distributeur. Cette loi a permis de faire glisser la négociation
d'éléments tels que le prix vers des éléments
plus en rapport avec les services connexes ou l'immatériel, ou
encore vers la recherche de gains mutuels.
Quelques chiffres: environ 10600 références de PGC se
cotoient dans les linéaires. La distribution investit chaque
année près de 5 milliards de francs en publicité
( radio, presse, affichage ( hors parrainages TV )). En 1999, 6 500
prospectus différents ont été publiés et
traduisent une activité très intense ! Rien de plus ressemblant
à une enseigne qu'une autre enseigne, les mêmes produits,
les mêmes canaux de publicité: l'avenir est au trade marketing,
qui empêche en effet la transposition des thématiques promotionnelles
entre enseignes ( comme "les gratuits", "le départ
en vacances" etc... )
Le consommateur privilégie un magasin principal ( leclerc, inter,
super u, auchan , carrefour ), visite un magasin secondaire et un magasin
occasionnel ( géant, cora, monoprix, lidl, aldi ). C'est la course
à la fidélisation du client, faute de pouvoir en capter
de nouveaux avec de nouveaux magasins. L'objet est de convaincre le
consommateur de passer son magasin secondaire en principal et l'accasionnel
en secondaire. Les raisons de la fréquentation d'un magasin principal
sont:
proximité, prix / promos, produits, merchandising, service,
personnel.
La carte de fidélité permet de connaître le client,
jusqu'à pouvoir mettre un nom sur un caddie, et donc de lui adapter
l'offre. Ce client dépense ainsi de 20 à 40% fois plus.
Les MDD sont également en bonne place pour séduire ce
client. Ce ne sont plus des clones de grandes marques, mais de véritables
vecteurs de communication, construits à partir du positionnement
et de la différenciation de l'enseigne. Les MDD aux noms des
enseignes progressent plus vite que les annonymes ( sachant toutefois
que ces dernières couvrent plutôt des produits du cinquième
rayon et que les premières sont avant tout alimentaires ).
Le cc est le garant du commercial mix de l'entreprise:
Corporate ( la raison d'être de l'entreprise, sa stratégie
générale )
Cobranding ( qui s'inscrit dans la politique générale
de l'entreprise, objectifs par marque )
Client, être à l'écoute du client distributeur
( en plus du consommateur. Connaître ses stratégies )
Consommateur ( relevés de panels, force de vente, connaître
ses réactions )
Ce consommateur est le point commun du distributeur et du cc. La négociation
doit alors converger vers lui. C'est ainsi que le distributeur propose
une liste de services au cc qui doit les acheter. On a mesuré
qu'une augmentation des ventes de 20% est un résultat équivalent
à une améliortation de la productivité de 5% (
notamment sur les conditions d'achat !). L'acheteur agit à trois
niveaux:
la marge avant ( le prix ), la marge arrière ( coopération,
RFA ), la trésorerie ( délai de paiement )
Le pouvoir réel de l'acheteur dépend de plusieurs facteurs:
la possibilité de remplacement, la connaissance du marché,
la capacité à influencer l'industriel, son autorité
à sanctionner, sa maitrise du temps.
Dans ces conditions, d'où peut provenir le partenariat ? Les
diverses lois évoquée permettent un premier rapprochement
et créent une dynamique commune utilisant la transparence des
informations gencod, la réduction des coûts par EDI, l'Efficient
Consummer Response et la Gestion Partagée des Approvisionnements
qui se cale sur le véritable rythme des ventes.
Les fonctions dans l'entreprise évoluent pour s'adapter à
ces nouvelles formes de travail. On note ainsi l'apparition des category
managers qui la plupart du temps s'appuient sur un industriel compétent
pour gérer leur catégorie de produits. La première
étape consiste en la détermination du rôle de la
catégorie par rapport au CA du magasin, en fonction des objectifs
de positionnement de l'enseigne. La deuxième étape consiste
en l'analyse des performances de la catégorie par exemple grâce
à l'outil Environnement Menaces Opportunités Forces Faiblesses
soumis aux critères tels que:
pour le consommateur: le taux de service, le panier moyen...
pour le marché: la part de marché...
pour la productivité : le stock, le délai d'approvisionnement...
pour le financier: le CA, la croissance de CA, la marge...
Ici, les distributeurs et cc doivent échanger les informations
qu'ils détiennent respectivement.
Il s'agit ensuite de dresser un tableau de bord puis d'affecter des
missions au sein de la catégorie ( créer du trafic, faire
progresser le panier moyen, générer de la marge ... )
La catégorie doit être attirante grâce aux produits
d'impulsion, créatrice d'image grâce aux nouveautés,
aux produits exclusifs, et défensive en part de marché
avec des promotions et prix bas. La catégorie se voit attribuer
un mix qui se doit d'être cohérent ( plan d'assortiment,
politique tarifaire, promotions, merchandising ). Une fois l'élaboration
du plan de mise en oeuvre magasin terminé, la catégorie
peut être réellement lancée et implantée
comme telle.On peut considérer que l'évolution du métier
d'acheteur se fait donc dans la direction du category manager.
Les PME et la distribution:
elles représentent 95% des fournisseurs mais seulement 23% de
l'offre, 16,1% du linéaire et 17,7% du CA ! Se pose alors crucialement
le problème de la position dominante qui interdit à la
grande distribution de représenter plus de 20% du CA total d'un
fabricant.
Le compte clé a évolué avec la distribution. On
constate trois périodes:
1960/1980 la distribution est atomisée et le pouvoir est plus
à l'industriel qui utilise le marketing et dirige le consommateur
vers ses produits.
1980/1996 la distribution joue le paramètre prix, appuyée
par l'état pour juguler l'inflation. C'est notamment l'époque
de la vente à perte.
depuis 1997 les distributeurs vendent des services et se positionnent
en véritables industriels s'appuyant sur un marketing mix adapté.Par
exemple, AUCHAN se positionne comme donneur de plaisir, de choix, d'abondance,
de prix, de festivités. Quant à CARREFOUR, il vise clairement
l'efficacité sans redondance. Ces deux positionnements se traduisent
par des applications opérationnelles bien différentes.
Pour l'assortiment chez AUCHAN, on note sa largeur et sa profondeur
avec moind de MDD que chez CARREFOUR. Concernant le merchandising, l'offre
est moins large chez CARREFOUR pour une visibilité plus grande
avec un planogramme horizontal ( vertical chez AUCHAN ). Le nombre moyen
de produits sur un prospectus AUCHAN est de 148 pour 87 chez CARREFOUR.
Les PLV chez AUCHAN sont colorées, de formes diverse alors que
CARREFOUR les veut plus informatives et austères...
Le compte clé dispose d'outils variés. La monographie
d'enseigne tout d'abord qui regroupe les informations liées à
l'identification, la structure du capital, la logique de constitution,
les principaux résultats à date, les axes de développement
france et étranger. Cet outil est alimenté par les réseaux
d'information les plus divers ( panels, force de vente, presse, relations
personnelles...). Le plan opérationnel par enseigne doit ensuite
être établi. Il distingue les points faibles et forts des
produits, établit une fiche de coût par enseigne net net
net ( remises sur factures, remises arrières et autres budgets
( salons, mobilier prêté... )) et propose une affectation
de budget à l'enseigne selon les objectifs produits et les postes:
dynamique volume ( progressive volume par exemple ), distribution (budget
de référencement de nouveaux produits par exemple) et
revente (opérations, promos media par exemple). L'établissement
de la fiche de négociation, troisième outil, répertorie
les volumes, CA, investissements de l'année N et prévoit
l'année N+1 selon le nombre de rendez-vous nécessaires
pour finaliser la négociation. Le sobjectifs doivent alors être
conçus en rapport avec des contreparties décroissantes.
Le quatrième outil est constitué d'un tableau de bord
permettant de suivre l'évolution des accords et des cycles promotionnels
mis en place. Enfin, le plan opérationnel, qui varie et doit
être périodiquement ( souvent au trimestre) réajusté.
Le cc dispose dans la négociation de moyens commerciaux et marketing
. Les contreparties tout d'abord qui servent à "justifier"
l'allocation de marge arrière. La structure des conditions (
marge avant, marge arrière ou autres budgets ). Les remises sur
volume. Les actions promotionnelles spécifiques ( hors produits
"normaux" dont les prix sont figés par la loi Galland).
Il s'agit dans ce dernier moyen de promotions sur les fins de série,
d'ajout de produit gratuit, d'un produit fabriqué spécifiquement
pour l'enseigne, d'opérations thématiques par enseigne
et d'opérations de partenariat. Enfin, le cc s'appuie sur un
argumentaire étayé sur ses produits.
Le rôle du cc est multiple. Il écoute le besoin des enseignes,
met en place un système d'information avec base de données,
élabore les plans par enseigne, définit les assortiments
et le merchandising, coordine les opérations par enseigne et
opérations de partenariat. Il sait travailler en équipes
en externe ( distributeurs, sociétés de panels, agences
de promotion des ventes ou de trade marketing ) comme en interne ( marketing,
force de vente, administration des ventes, logistique, finance ). Le
cc est un véritable chef d'orchestre !
Notons en annexe de cet ouvrage la disponibilité de:
- un échantillonnage commenté des principales sociétés
de conseil et panélistes ( Nielsen etc...)
- des fiches enseignse récapitulant pour chacune d'elles les
principaux résultats, les éléments du marketing
mix, la structure, le métier.
- un glossaire très complet. Exemples: ECR ensemble des procédures
de partenariat industrie/commerce permettant d'ajuster les assortiments,
les stocks, les nouveaux produits et les linéaires à la
demande des consommateurs.
GENCOD Groupement d'Etude de Normalisation et de CODification. Organisme
paritaire à 50% fabricant ( genfa) et à 50% distributeur
(gendi) créé en 1972 dont les règles s'articulent
dans le cadre de l'association internationale EAN. Ce dernier comporte
lui même deux standards: le premier pour le consommateur avec
13 positions ( 5 pour le CNUF et 6 pour le CIP) et le second pour l'expédition
( DUN 14 ou EAN 128 ).